Je tiens dans les lignes qui suivent à faire part de mon aventure relative à la reproduction des Terrapene.
Je souhaite à travers cette expérience, que j'espère renouveler l'année prochaine tant elle m'a procuré d'émotions et de joie, pouvoir aider d'autre passionnés de cette merveilleuse espèce.
Les Terrapenes sont réputées pour leur relative facilité de reproduction; ceci est très vrai quand on considère l'acte sexuel, les accouplements sont plutôt fréquents et là réside d'ailleurs la clé d'un bon taux de fécondation.
Mais les facteurs d'incubation sont prépondérants et là réside la vraie difficulté.
Il faut veiller cependant, notamment pour Terrapene carolina major, à ne pas laisser la femelle en permanence au contact du ou des mâles, surtout si l'enclos est de superficie réduite.
Le risque de harcèlement est important, l'autre conséquence pouvant au contraire être une baisse nette de libido.
L'envie de s'accoupler se développe en "créant le manque".
Lorsque j'ai acquis ma première femelle TCM, les accouplements n'ont pas tardé.
En effet, le vieux mâle récupéré un an plus tôt n'avait probablement pas connu de dulcinée depuis longtemps, mais l'instinct ne s'est pas fait attendre.
Les premières approches ont commencé le premier jour de la mise en contact.
Les premiers coïts ont débuté 3 jours plus tard, systématiquement dans le point d'eau, et la femelle n'était pas la dernière à vouloir y rejoindre son élu.
L'acte en lui même dure assez longtemps: après une approche assez brutale, le mâle peine à agripper la femelle mais lorsqu'il y parvient, il ne la lâche pas pour un long moment.
Les pieds sont logés dans les fosses inguinales de la femelle, ce qui a pour but d'éviter de se retrouver les "instruments" douloureusement coincés par la femelle si cette dernière venait à refermer son plastron.
La pénétration est maintenue plus de 2 heures, le mâle lâche alors son emprise et se retrouve basculé à l'arrière... sa dossière lamentablement trainée par la femelle qui perd patience bien avant lui.
Puis les deux "amoureux" s'éloignent indifférents l'un de l'autre.
La femelle a un appétit soutenu pendant cette période, le mâle pas du tout... bien plus préoccupé à assurer sa descendance.
Après une quinzaine de jours d'amours intenses, les 2 protagonistes deviennent très distants.
La femelle maintient son solide appétit, une alimentation riche en protéine naturelle est recommandée pour l'aider à se renforcer pendant cette période de formation des oeufs.
Au menu, nous avons retenu: vers de terre, criquets, teigne de ruche, larves de coleoptère, chair de volaile, coeur de boeuf, pêche, abricot, melon, croquettes light pour chat détrempées.
La formation des oeufs prend un bon mois.
La femelle se tient manifestement éloignée volontairement du mâle, et lorsque le moment de pondre approche, elle se montre bien agitée en fin de journée, aux heures où un mâle ou une femelle non "gestante" sont déjà reclus dans leur cachette nocturne.
Le creusement du nid a toujours lieu le soir, c'est un travail très lourd pour la femelle pour laquelle un ramollissement préalable du sol par douches régulières est très utile.
La chambre de ponte est très évasée alors que le couloir de ponte est étroit.
La ponte en elle-même dure peu de temps, les oeufs se succédant assez rapidement.
Ils sont de forme oblongue (3 à 3,5cm X 2cm), leur consistance est très différente de celle des Testudo, dont la coquille est crayeuse.
Ici, on a plutôt l'impression d'une matière caoutchouteuse, molle et compressible au toucher...manipulations précautionneuses de rigueur!
La phase de bouchage du nid est très longue également, l'instinct de protection et de dissimulation de la ponte est très développé chez la femelle.
Pour exemple, lors de la 2ème ponte que j'ai constaté, j'ai baissé les bras à 2h00 du matin en laissant la femelle s'acharner à rabattre tous ce qui se trouvait aux alentours pour masquer l'emplacement du nid.
Pour cela, à la manière de nombreuses autres tortues, elle se sert de ses pattes postérieures, en exerçant des mouvements rotatifs très souples et délicats.
J'ai décidé de tenter l'incubation artificielle après avoir récolté de nombreux témoignages de tentatives d'incubation naturelle avortée.
En effet, sous nos climats, la température externe est très instable même en été, souvent trop chaude dans le Sud et pas assez dans le Nord.
Autre point essentiel pour l'incubation, l'humidité du substrat doit être quasi permanente et rémanente, ce qui est particulièrement difficile à recréer en extérieur.
J'ai donc ressorti mon incubateur Herp Nursery Lucky reptile, dont on lit pourtant tant d'avis critiques variés et contradictoires.
Compte-tenu de l'air chaud diffusé par soufflerie, il convenait d'être réfléchi quant à la manière d'établir l'hygrométrie et de la maintenir.
En effet, une trop forte ventilation aurait pour effet de dessécher les oeufs et de les racornir.
J'ai opté pour l'installation de deux petites bassines remplies d'eau tiède en bas de l'incubateur.
Sur la grille médiane, j'ai installé deux larges éponges en PVA (dites éponge magique) gorgées d'eau tiède.
Sur ces éponges, j'ai installé deux boîtes en plastique neutre remplie de vermiculite détrempée à l'eau tempérée puis essorée.
Chaque boîte a accueilli une ponte: une de 5 oeufs et l'autre de 6 oeufs.
Les oeufs ont été enfouis, simplement recouverts d'un demi-centimètre de vermiculite humide.
Chaque boîte a ensuite été refermée par un couvercle perforé d'une quinzaine de petits trous pour permettre à l'air de circuler légèrement.
La durée de l'incubation annoncée dans les différents supports livresques oscille de 55 à 65 jours.
Je ne peux pas confirmer cette indication, mais il ne faut pas tirer là de conclusions radicales compte-tenu du peu de recul que j'ai encore dans ce domaine.
En effet, avec cette méthode, l'éclosion a débuté chez moi après 90 jours.
J'avais pris la peine de retirer les couvercles après 60 jours, car le mirage des oeufs montrait nettement des vaisseaux sanguins et une masse embryonnaire en cours de développement.
Cela permet d'éviter un éclatement des oeufs par excès d'humidité, et facilite la porosité évolutive de la membrane, facilitant aux nouveaux-nés le percement nécessaire à leur éclosion.
Les éclosions se succèdent assez rapidement, sur une période d'une semaine environ.
A la naissance, les nouveaux-nés ont encore une masse vitelline importante.
S'ils quittent la membrane protectrice de l'oeuf alors qu'ils n'ont pas encore résorbé la réserve vitelline, je recommande de rincer la zone abdominale avec du sérum physiologique, puis d'installer le bébé sur un essuie-tout imbibé lui aussi de sérum physiologique déposé dans une petite coupe en plastique individuelle.
Il faut déposer le tout dans l'incubateur jusqu'à résoption totale du vitellus.
Chaque nouveau-né doit être isolé pendant cette période, sans cela ils pourraient se crever la poche vitelline mutuellement.
Une fois l'ombilic cicatrisé (1 à 2 jours après l'éclosion), le bébé a droit à un bain dans une eau tempérée lui permettant de s'hydrater profondément.
Il est alors installé dans une boîte d'élevage dans un fond d'eau, sous spot chauffant infra-rouge.
Afin de le sécuriser, lui déposer des plantes aquatiques dans sa boîte: élodée, myriophylle...
Les nouveaux-nés refusent fréquemment de manger juste après la naissance, cette étape est pourtant cruciale pour la réussite de leur élevage.
J'ai appâté mes bébés Terrapene en leur offrant des petits vers de terreau tous les jours jusqu'à détecter chez eux des réactions prédatrices.
Evidemment, il n'est pas aisé pour eux d'attraper ces vers dans un fond d'eau; dès lors, ils ont été transférés dans un fond détrempé de terre de bruyère enrichie de fibre de coco.
Ils n'ont pas tardé à s'y enfouir pour se cacher, ils sont très timides.
J'ai alors commencé à leur distribuer des mini vers de farine (du plus petit calibre) et là, leur appétit s'est manifesté immédiatement.
Avec le temps, il devient possible de les réalimenter en vers de terre, en grillons mini, en petites limaces puis avec de la chair de poulet et de panga en tout petits bouts.
Sur 11 oeufs pondus, 10 ont éclos.
Les 5 premiers bébés sont nés il y a un mois maintenant.
Ils pesaient entre 6 et 7 grs, ils en font 12 maintenant!
J'espère avoir aidé ceux qui, comme moi, se passionnent pour cette espèce; je souhaite avoir donné envie aux autres de découvrir un peu plus ces tortues si particulières et si fascinantes.